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Noctambules, un geste distinctif en photographie


  • Galerie-Atelier André Lalou 4 Rue Audran Paris, Île-de-France, 75018 France (carte)

L’adage populaire prétend que la nuit tous les chats sont gris. La nuit serait le lieu de l’indiscernable, de l’indistinct, de l’effacement du singulier. Des noctambules, on dirait alors qu’ils sont ceux qui ne cherchent qu’à s’évanouir dans le milieu informe de la nuit comme embarqués dans les flots sombres de l’envers du jour. Mais est-il certain que la lumière du jour, parfois éblouissante, soit le lieu de la juste mesure ? Il est sans doute, dans le milieu nocturne teinté de gris et de noir, une autre mesure, une autre distance qui a l’apanage de l’humilité. Les noctambules seraient alors ceux qui s’essaient patiemment, à tâtons, à redécouvrir la visibilité et l’écho de toute chose. Car dans le silence de la nuit éclatent, détachées comme jamais, les sonorités du monde.

Ce que cette série, Noctambules, nous rappelle c’est que la photographie est muette. Elle soustrait les objets du monde à son tumulte. Elle emprunte à la nuit l’isolement et la puissance révélante des corps. C’est à cette parenté de la nuit et de l’acte photographique que cette série nous reconduit en nous montrant que, dans l’obscurité de la nuit, se détachent, géométries parfaites, les corps et les visages gorgés de la matière vivante et sonore du monde qui s’est enfin tu. Ce que cette série de photographies nous oblige à parcourir du regard c’est cette distance réelle de la nuit – non tronquée par quelques mises en lumière, non troublée par le bruit du monde – qui isole, fractionne et singularise dans l’absolu d’un silence dont on ne fait que pressentir l’imminence de la fin.

Ce que parvient parfaitement à saisir Dimitri Sandler c’est cet instant où le monde est en retenue d’exploser dans la lumière du jour à venir, comme au bord du tumulte où toute chose replonge implacablement dans l’indiscernabilité.

Deborah Blicq